Plaidoyer pour le cerf

Jean-Marie Friedrich, président de l'association départementale de grand gibier de l'Aube, n'est pas content, et il le fait savoir en pointant des incohérences


On ne présente plus Jean-Marie Friedrich, figure emblématique et charismatique du grand gibier dans l'Aube. Homme de passion, il est aussi homme de raison, ce qui semble manquer aux gestionnaires forestiers…
« Je veux vous faire part de ma très grande inquiétude quant à l'avenir de la grande faune sauvage dans ce département, la sauvegarde des grands cervidés en particulier et la protection de la biodiversité », relève le président de l'Association départementale des chasseurs de grand gibier de l'Aube.
« Il existe en effet une insoutenable pression de l'ONF et des forestiers privés, épaulés de quelques édiles, avec l'aval de l'administration, pour une réduction draconienne des effectifs de cerfs sur la plus belle population de cervidés du département, celle du massif de Rumilly - Chaource », s'indigne-t-il, avant de préciser : « De par les échos que j'ai pu obtenir auprès de l'ANCGG et des différentes AD, il semble malheureusement que ce soit une volonté politique au niveau national. »

Double langage de l'administration


Et Jean-Marie Friedrich d'insister : « Je voudrais que cesse cette hypocrisie qui consiste à parler d'un côté de la biodiversité, de la conjuguer à tous les temps, et de l'autre, de vouloir la réduire à sa plus simple expression. »
« N'en déplaise aux sylviculteurs, la biodiversité dans la forêt ne concerne pas que les arbres, la grande faune en fait partie, d'autant plus qu'elle possède une valeur patrimoniale et économique indéniable. Ce qui me gêne le plus et froisse mon côté scientifique, c'est que cette politique n'a pour base que le subjectif : nous sommes dans l'incapacité de compter de manière fiable les effectifs d'animaux vivants et de donner leur taux de reproduction, et les animaux morts ne sont recensés qu'avec une certaine approximation. »
Selon lui, « le suivi par les bio indicateurs ne montre pas de signe de surpopulation. Les méthodes utilisées d'évaluation des densités sont contestables, comme l'est la méthode unilatérale de l'ONF de fixer les plans de chasse. »
Si la chasse doit maintenir un niveau de population compatible avec la sylviculture d'essences locales, « celle-ci doit aussi s'adapter à la présence des grands cervidés qui font partie de notre patrimoine commun. Cet équilibre gibier-forêt est nécessaire, certes, mais pas seulement dans le seul intérêt des sylviculteurs, et en tout cas il devrait être un compromis et non pas le diktat d'une administration. »

On va éradiquer le cerf en forêt de Chaource


Et Jean-Michel Friedrich d'insister dans sa démonstration : « La réduction des effectifs de cerfs, alliée au cloisonnement des populations par nos voies de communication, génère de petites entités d'animaux et met ainsi en danger le cervidé en hypothéquant les possibilités d'adaptation et d'évolution de cette espèce. » Il tient à rappeler que, « comme toute la faune sauvage, le cerf est "res nullius" : il n'appartient pas aux chasseurs, encore moins aux forestiers. Il serait peut-être utile de prendre l'avis, à ce sujet, de tous les autres usagers de la nature. »
Selon lui, il existe pourtant des solutions « qui permettent d'améliorer la capacité d'accueil du milieu et le recours à des méthodes sylvicoles moins productivistes. Il suffit d'en avoir la volonté. Pour mémoire, je rappellerai que les attributions sur ce massif de Rumilly - Chaource ont été très fortes ces trois dernières années (1 biche pour 30 ha) et que cette nouvelle augmentation ne se justifie pas, sauf à vouloir l'éradication de cette espèce (1 biche pour 25 ha). »
Jean-Marie Friedrich conclut ainsi son plaidoyer : « Que chacun prenne ses responsabilités, mais en ce qui concerne l'association départementale des chasseurs de grand gibier de l'Aube, elle ne cautionnera pas cette politique et le fera savoir le moment venu en rappelant à chacun des intervenants son rôle. »