Le lâcher de faisans

J’avais postulé pour être membre du bureau de la communale, puis retenu. Cela ne changeait rien à ma participation aux travaux habituels comme de mettre l’eau dans les abreuvoirs, donner la main pour mettre en place des garennes ou des parcs de prélâché…
Par contre participer aux lâchers de gibier, c’était nouveau pour moi.

La première fois, c’est avec mon collègue Jean-Michel que nous effectuons cette tâche. Lui, il a l’habitude.
Nous avons un grand territoire à notre disposition, et il ne faut pas trainer… cependant, au lieu de libérer bêtement les faisans et perdreaux des boites, Jean-Michel se fait un honneur de me montrer la meilleure façon de libérer les faisans : en prendre un fermement, lui placer la tête sous l’aile, choisir un beau roncier avec une petite allée au milieu bien dégagée, et envoyer très fort et sans ménagement le faisan là-dedans… du coup, quand ça se passe bien, le bestiau ne s’envole pas à Cuges les bains et reste « tanqué ».

Cette après-midi, j’y vais seul, avec un paquet de boites de 5 perdreaux ou faisans par caisse.
Ils m’ont dit de lâcher à chaque fois, moitié perdrix, moitié faisans. Donc pour la première caisse, sans appliquer la méthode de Jean Michel, j’ouvre la boite et 3 perdrix s’envolent… je referme la boite et la replace ensuite dans la voiture, je prends une boite de faisans et j’ouvre pour en lâcher une paire. Sauf que le tout premier perdreau qui s’est envolé me reviens par le travers moins de 2 minutes plus tard, enserré étroitement dans les griffes d’un épervier !

J’en conserve l’image incroyable de ce pauvre bougre les yeux exorbités qui me regarde… et qui file vers sa mort inéluctable, porté par le rapace à la vitesse grand V !

Du coup, pour les prochains, j’essaie d’appliquer la méthode de Jean-Michel. Sauf que le Mistral s’est bien levé, que les oiseaux dans les boites sont bien énervés, que les boites à peine ouvertes, ils sortent et volent dans n’importe quelle direction.
Il n’est plus question de faire moitié perdreaux, moitié faisans, il n’est plus question de les prendre l’un après l’autre et de les déposer aux ronciers, ça vole n’importe comment, au loin, certains se branchent, d’autres filent tout droit sur des kilomètres…
Je finis enfin, je ramène les boites vides et je raconte la mésaventure de mon premier perdreau lâché à Thierry, le responsable du lâché
- Tu n’es pas le premier à qui cela arrive, on a déjà eu le cas… il y a au moins 15 ans de cela ! A part ça, ça s’est bien passé, tu as lâché comme il faut ?
- Oui, pas de problème….
J’évite de lui dire que je n’ai pas pu les lâcher l’un après l’autre, que le Mistral me les a fait partir au loin … n’importe où…

Une semaine plus tard, nous avons réunion de bureau, et en fin de séance, en questions diverses, le sujet du dernier lâcher est abordé… Le Président s’étonne :
- Pour le secteur du Concasseur, on m’a reporté que très très peu de gibier a été prélevé, comment c’est possible ça ?
Thierry vient à mon secours, il a compris que le travail n’avait pas été fait dans les règles…
- C’est qu’il faudrait surtout piéger là-bas, il y a beaucoup trop de renards, il s’en ai vu beaucoup… Et puis, il s’est prélevé quelques pièces les jours après…

Quelques jours après, on s’est retrouvé sur le secteur, moi et Thierry…
- Alors, tu les as mis où ?
- Là, par exemple, j’ai mis une poule, avec la tête sous l’aile, elle ne s’est pas envolée.
Vous me croyez ou pas, nos 2 chiens se sont mis simultanément à l’arrêt, pile poil à ce roncier… et une belle poule faisane s’est envolée, cueillie par Thierry.
- Oui, effectivement, c’est vraiment qu’il faut les chercher ces faisans… et que nos chasseurs veulent tout et tout de suite !
Je ne saurais jamais si cette poule est restée là, sans bouger des jours et des jours ou si c’est coïncidence, mais elle m’a sauvé la mise et on m’a fait une confiance absolue pour effectuer les lâchers. Thierry a su enlever toute suspicion concernant mes lâchers et j’ai continué à le faire, même si d’autres tâches me plaisent beaucoup plus.
En plus, lorsque je fais un lâcher dans un secteur, si j’y vais quelques temps plus tard, je suis presque sûr d’être bredouille… car mes faisans qui prennent la tangente en sortant de la boite vont si loin qu’on ne les retrouve pas toujours !
Les sociétaires, se sont plaint au début, puis ensuite ils ont été confrontés à des gibiers ensauvagés, difficiles à prélever, retors, et le territoire a été ainsi ensemencé de gibiers de tir qui sont devenus des gibiers à part entière.

On a installé plus de parcs de prélâchers et les lâchers dominicaux se sont faits plus rares.

Il me restera pour toujours l’image de mon premier perdreau lâché, et je ne suis pas fâché que l’on parvienne à faire différemment pour avoir du gibier sauvage dans nos collines.

Pour info j'ai posté ce récit sur un autre forum de chasse, moins généraliste et plus ciblé grand gibier.
Si vous saviez les commentaires, engueulades entre chasseurs de petits et de gros, ceux pour et ceux contre les lâchers ! Je me suis aperçu là que beaucoup d'entre nous n'ont pas de respect pour la chasse des autres, pas de tolérance, pas de compréhension.
Heureusement je vois que sur PLC ce n'est pas le cas !
Je vous souhaite à tous de bonnes fêtes et j'ai une pensée émue pour Patrizia, notre chère chasseresse, éleveuse, médecin et...corse !
a+
jp

Salut, il m'arrive de nombreuse fois en cours de saison de chasse de passer la matinée au gros gibier, et l'après midi à traquer une cocotte avec mon fox, ce qui m'a permis de prendre quelques cailles des blés et de trouver une couvée de faisans sauvage et d'en prendre deux, qui étaient d'ailleurs bien bon.

Pour moi, quand on aime la chasse, il faut savoir apprécier toutes les chasses, et en effet, respecter tous les chasseurs.

Pour info j'ai posté ce récit sur un autre forum de chasse, moins généraliste et plus ciblé grand gibier.
Si vous saviez les commentaires, engueulades entre chasseurs de petits et de gros, ceux pour et ceux contre les lâchers ! Je me suis aperçu là que beaucoup d'entre nous n'ont pas de respect pour la chasse des autres, pas de tolérance, pas de compréhension.
Tu comprends mieux pourquoi les écolos se marrent quand ils voient les votes des chasseurs pour défendre telle ou tel mode de chasse .

Ça me rappelle une discussion que j'ai eue en Angleterre avec un vieux chasseur qui disait:
farmed game is to hunting, the same as prostitution is to love.it gives you a bad conscience, And those who are customers  often struggle to admit it.
Le gibier d'élevage est à la chasse ce que la prostitution est a l'amour. Ça donne mauvaise conscience et les clients on souvent du mal à le reconnaître.

J'ai trouvé ça bien imagé et criant de vérité.

Suu notre chasse communale, on ne lâche pas de gibier et on en est fier, mais une bonne partie de notre territoire est bordée de chaque côté par deux chasses privées ou faisans et perdrix sont lâchés à profusion avant l'ouverture et renouvelés régulièrement en cours de saison. Devinez ou on retrouve la majorité des chasseurs de la commune le dimanche
Vu que ça n'est pas nous qui les lâchons, personne ne se pose trop de questions, et bien sûr, chez nous, on ne chasse que du gibier naturel  

Jean-Paul13 a écrit:Pour info j'ai posté ce récit sur un autre forum de chasse, moins généraliste et plus ciblé grand gibier.
Si vous saviez les commentaires, engueulades entre chasseurs de petits et de gros, ceux pour et ceux contre les lâchers ! Je me suis aperçu là que beaucoup d'entre nous n'ont pas de respect pour la chasse des autres, pas de tolérance, pas de compréhension.
Heureusement je vois que sur PLC ce n'est pas le cas !
Je vous souhaite à tous de bonnes fêtes et j'ai une pensée émue pour Patrizia, notre chère chasseresse, éleveuse, médecin et...corse !
a+
jp

Participant moi aussi à ce forum, je confirme que la discussion s'y est enflammée très vite.
Sans vouloir prendre partie et manquer de respect à qui que ce soit, je dois admettre que je vois ces lâchers de volatiles d'élevage, comme un caillou dans notre chaussure.
Nous justifions souvent notre passion par une prétendue gestion de la faune sauvage, certains disent régulation. Propos difficilement crédibles, si nous en sommes rendus à lâcher des animaux la semaine pour leur tirer dessus le dimanche.
Et ça, c'est une arme que nous donnons aux anti-chasse de tous bord, pour nous matraquer.
Néanmoins, je me garde bien d'être trop critique à ce sujet car, comme expliqué dans mon précédent post, je chasse le petit gibier sur une chasse communale, ou il n'y a aucun lâché mais ou la quasi totalité des faisans et perdrix que nous tirons vient de deux grosses chasse privée qui bordent notre territoire.
Certains naïf (ou hypocrites) sont prêts à affirmer que nous ne chassons que du gibier naturel. Un peu plus réaliste, je me pose souvent la question de ce que serait notre tableau annuel sans les lâchers de nos voisins