Jean-Jean le braco

« Il n'y a pas d'âge pour les grosses bêtises... »

Il approchait des 80 ans, toujours bon pied -bon œil et le visage bien rouge.
Au moment de rentrer dans sa vieille guimbarde, en jetant un dernier coup d’œil il s’aperçoit de ma présence…

- Vous êtes bien essoufflé lui dis je…
- C’est le chien, je n’arrive pas à le récupérer, il leur court encore derrière…
- Derrière quoi ?
- Les chevreuils ! et il n’y en avait pas qu’un…
- Ah bon, c’est plutôt rare ici…
- Ils viennent boire la nuit en bas à la Touloubre, ils étaient six ! Ils ont remonté par la grande draille et ils me sont tous passé devant, l’un derrière l’autre, là-bas au croisement du Parisien, le chien est devenu fou ! …

Aujourd’hui il était donc venu avec son vieux chien Tobby.
D’habitude il ne le sortait guère surtout en fin de saison, pour les lièvres qui restaient… et puis le chien était aussi fou et braconnier que le patron, quand il n’y avait plus guère de gibier il avait tendance à prendre la tangente.

- Sûr qu’il va se faite taper sur la route…

Le vieux se fait du souci, mais pas que pour le chien. Je vois ses doigts qui se tortillent dans tous les sens, son regard qui ne me fixe plus, il a la tremblote, encore quelques instants et je suis sûr qu’il sera incapable de prononcer un seul mot, pour l’heure la voix tremblote...
Il fixe ses pieds des yeux, je fais de même, puis mon regard piste une trace sur le chemin de terre, la trace qui est marquée juste un peu sur le côté du chemin, puis mieux centrée, bien droite enfin et qui s’arrête pile en bas du coffre.
Je vois du sang et des poils attachés à la carrosserie quand la bête trop lourde a été chargée avec grande difficulté.
C’est pour ça qu’il avait peine à reprendre son souffle le papi quand je l’ai surpris, il venait juste de charger !

- Bon, je vais y aller, je file, je vais essayer de le retrouver ce chien…

Je donne un petit coup sur le coffre ce qui a pour effet immédiat de faire remuer là-dedans, et même que ça jappe, puis que ça aboie et enfin que ça hurle !
Je crois bien que le vieux va tomber dans les pommes, il se penche, ouvre le coffre…

- Il est bien passé trop près celui-là, je n’ai pas pu m’empêcher…vous êtes chasseur, vous comprenez…

Évidemment, il y a un beau brocard tiré sans la bague, braconné, balancé à la va vite dans le coffre, tout désarticulé.

- Je comprends surtout que vous avez l’âge de vous arrêter…

Il n’y a pas à dire plus.
On se regarde. On se comprend.

La voiture est partie, il me semble qu’il a pris le temps de me regarder dans le rétroviseur.
Je ne l’ai plus jamais revu dans le secteur, il paraît qu'il ne prend plus le permis.
Les chevreuils, eux oui, on les a revus, souvent.
Une jolie bande de petits cervidés qui se sont inféodés au secteur, ils se sont multipliés avec les années, quelques-uns ont quitté la harde et ont colonisé le maquis à quelques kilomètres de là où l’on fait les battues de sangliers.
Cette année on a 7 bagues de prélèvement, on n’en prélève pas la moitié.
Les autres c’est sûrement le Jean-Jean qui les tue…
…mais seulement dans son imagination de vieux braconnier fatigué.

Une bien belle histoire.

Belle histoire, très bien racontée.

ça me fais plaisir qu'un voisin de commune me laisse un petit message, merci à toi papi d'Alleins ! Merci à toi aussi , du 49 d'Anjou !!!, à Chris 01, Sarko 85 et à tous les autres des 4 coins de la France quand vous marquez que vous appréciez mes récits de chasse. Comme quoi, d'ici ou du plus au Nord, de l'Est, de l'Ouest, on a la même culture, les pieds dans la gadoue, que ça nous plait et ça personne ne nous l'enlèvera...
C'est un peu comme une bécasse ou une palombe qui se pose , un jour ici, plus tard là bas, un fil qui nous relie tous, un rêve transporté par un oiseau migrateur. Je ne sais pas si quelqu'un comprend ce que je veux dire, certainement pas ces couillons anti chasse, anti pêche, anti tout ce qu'ils ne veulent pas pour eux mêmes et qui veulent nous imposer, "je n'aime pas la chasse donc je veux l'interdire, je n'aime pas la pêche donc je veux l'interdire, je n'aime pas la corrida donc je veux l'interdire, je n'aime pas les gens qui ne pensent pas comme moi, donc je veux les interdire..."
Nous, on aime les bécasses, les chevreuils, les palombes, toute cette gent aillée ou à 4 pattes, tous ces animaux de nature, insaisissables, on aime le chaud, le froid, souffrir pour les pister, les débusquer, les trouver, les voir, des fois les prendre ou les laisser courir, voler, pour le plaisir.
Mais tous ces connards d'intellos qui ne comprennent rien à rien, perclus de neurones déficients, mous dans leurs frocs, avachis sur leurs canapés à dix milles balles, centrés au milieu de la capitale, dans les beaux quartiers du 16 iem, se complaisent à nous faire de la littérature à 2 balles, pour nous imposer leur façon de vivre, de la merde à bouffer, des heures dans leur métro, boulot dodo, qui ne se regardent même pas les uns les autres, des non vies parallèles, qui ne rencontrent pas, qui ne se voient pas.
Et bien nous, on se parle, on se cause, on s'écoute, on échange, on vit.
Ici, sur le site, ici dans la garrigue de Provence, là bas sur d'autres collines, sur d'autres territoires. Et qu'on nous laisse un peu tranquilles, nous on ne les empêche pas de vivre leur vie de robots, si ça leur plait comme ça.
En Saint Hubert
bien à vous tous
à plus
jp

A Jean Paul 13, ça fait du bien d'invectiver les bobo éclo et compagnie, mais chez eux, c'est dogmatique, donc sans espoir...
Continue de nous régaler avec tes histoires, ça sent Les lettres de mon moulin....
Didier

Encore une bien bonne a lire ..BIS