la 100 ième !

J’ai bien compté, j’en suis sûr…
Mais à une près peut-être, je peux me tromper…

Il y a un jeune qui les compte aussi, chaque année, les grives qu’il fait tomber, les merles aussi quand il n’y a pas mieux, c’est ce que dit le proverbe « Faute de grives, on mange des merles ! »
Le jeune en question, on ne le voit plus guère aux battues dès fin septembre, il va toujours à son poste, et il compte, il compte, il compte les chachas, les siffleuses, les tourdes, les merlettes. Il file l’après midi avec son copain, faire les haies, même qu’une fois il a levé un cochon, mais à vrai dire les cochons il s’en fiche, il a laissé filer…Ce qui compte c’est d’arriver à 100, comme l’an passé, comme l’an d’avant…

Il y en a un autre qui les a comptés aussi les 100. Pour lui c’était les 100 ans, on a fait une sacrée fête, ce n’est pas tous les jours, il s’est même permis un verre de rosé, le beau-père n’était pas trop content du rosé pour le papi, que ce n’était pas sérieux pour son âge, mais le papi en question il a dit qu’il était bien assez grand pour savoir, et même pour manger 3 œufs d’un coup au repas ce soir, que quand il était petit, des œufs il ne pouvait en avoir qu’un, que ça lui revenait ce genre de souvenir, et qu’il fallait le laisser tranquille avec son rosé…

Moi aussi j’ai compté, j’ai bien compté, je ne me suis pas trompé, c’est incroyable mais vrai, c’est comme au loto, tu as une chance sur un million, sauf que là c’est à l’envers…

J’en ai parlé au Salva, aussi à Michel, aussi à Pauleau, à personne d’autre.

Salva il m’a dit « Ah bon ! », sans plus. Il est brut de cueille, déjà 2 mots c’est pas mal…ça montre le respect.

Michel il avait l’air occupé, je ne sais pas s’il m’a bien entendu, il y avait du bruit, il y a toujours du bruit au rendez vous après la battue, chacun raconte, la pièce n’est pas grande, ça devient vite assourdissant.

Le Pauleau, lui, il a bien entendu, je lui ai parlé dehors. On fait l’eau ensemble et le maïs aussi, on va donner aux cochons l’été pour l’eau et avant les vendanges pour le maïs, pour les tenir en colline, sinon il y a le gros Casteau qui fait mille dossiers de dégâts, il nous saoule le Casteau avec ses dégâts, avec lui il n’y a pas la part des animaux, la part de la nature, il n’y a que sa part à la coopérative qui compte, et les acomptes qui comptent. S’il manque une grappe, il manque des sous, c’est tout.
Le Pauleau il m’a bien regardé, comme des fois il regarde avec l’air de dire « Tu te fous de ma gueule ou quoi ? », alors il en rajoute, parce qu’il n’en revient pas, il ne me croit pas… « C’est vrai ça ? »

Ca m’a soulagé quelque part de lui dire :
« Si tu comptes bien on fait grosso modo 50 battues par an, avec les palombes et le reste du petit gibier pour mes chiens, j’en fait perso seulement 30 par an. En trois ans ça fait 90 et les 10 de ce début d’année ça fait 100.Et depuis le gros ragot de 80 que j’avais prélevé au poste 10 il y a 3 ans, et bien ça fait pile 100 battues... que je fais bredouille !!! »
Alors le Pauleau il m’a juste dit ça :
« Et bien toi, on peut dire que tu n’as pas de pot… et que tu l’aimes, la chasse !!! »