j'avais tout bien préparé !

La veille, c’était la veille…
De l’ouverture bien sur. Des ouvertures, il y en a beaucoup : ouverture des magasins, des soldes par exemple, ça c’est pour Madame.
Pour moi, la seule ouverture qui vaille, c’est bien sur celle de la chasse !

Des mois que je rongeais mon frein, le chien Gaspard aussi…
Pour être prêts, on était prêts !

Veste reprisée à l’ancienne, c'est-à-dire que c’est moi qui m’empalais consciencieusement l’aiguille dans la peau pour faire quelques rafistolages (mon épouse se refusant de quelque manière que ce soit à participer aux préparatifs), cartouchière remplie, huilée, fusil vérifié, exercices de remise en forme et de rappel pour Gaspard, exercices factices de mise en joue puis de swing, bref, la panoplie classique des actions de préparation pour l’ouverture…

Restait plus qu’à choisir le territoire.
Vu qu’il ne faisait pas particulièrement chaud, j’optais pour démarrer en colline, tenter les Rouges.
J’aurais bien le temps dans l’après midi d’aller longer le cours d’eau qui serpentait entre quelques bosquets et de surprendre une palombe puis de finir la journée par une passée aux canards.

Nous voilà donc partis, quittant Aix en Provence et les lumières de la ville et nous engouffrant tous feux allumés entre les collines, puis à grimper entre les vallons pour arriver, alors qu’il faisait encore nuit, sur le grand parking de la chasse sur le plateau de l’Arbois.

Il y avait encore du temps avant l’heure H du jour J.
J’en profitais pour boire un « café-thermos » et fumer une cigarette, ce n’est pas croyable ce qu’elles étaient bonnes ces premières cigarettes… depuis je me suis bien calmé et je limite la consommation à celle du soir après le repas à contempler l’immense pin centenaire devant chez moi…mais là n’est pas le propos !

Les voitures des chasseurs arrivaient maintenant en files indiennes, j’entendais les moteurs, d’abord comme un bourdonnement lointain, puis un bruit de plus en plus puissant au fur et à mesure que les voitures montaient dans le vallon avant le dernier virage qui donnait sur le grand parking.
Il y avait la grande barrière qui barrait l’accès au plateau et on devait attendre l’arrivée du garde pour franchir la barrière.
Mais l’arrivée…n’est jamais arrivé, et pour cause : il avait été planté un petit écriteau sur lequel était écrit :
« Pas d’ouverture du territoire ce dimanche 10 septembre pour cause de prévention incendie en zone boisée, suivant arrêté préfectoral »

Ca y est, Monsieur le Secrétaire Général avait encore fait des siennes !!!
On était le seul département à interdire l’accès aux massifs en ce jour d’ouverture, allez faire comprendre ça au chien…
Gaspard commençait effectivement à trouver le temps long, et après avoir chié de rage plusieurs fois d’affilée, j’ai eu toutes les peines du monde à le faire rentrer dans la voiture…direction le cours d’eau en plaine.

Bon, cela modifiait mes plans de chasse de la journée, pour la passée du matin aux canards c’était déjà trop tard, pour le reste on fera quand même bien l’ouverture !

C’est ainsi que je redescendais vers la ville, occupé à mes pensées, largement énervé de tout ça, j’étais comme le chien, l’estomac retourné, dès que j’arriverai à l’Arc, je baisserai le pantalon !

Après avoir pris la direction du territoire convoité, j’en étais encore à mes pensées et les quelques kilomètres à parcourir furent très – très longs… intuitivement je n’appuyais pas trop sur le champignon et je me donnais le temps de la réflexion…

« c’est pas possible que là bas aussi ils aient fermé, c’est en plaine, il n’y a que des bosquets, et puis il y a l’eau, aucun risque d’incendie, et puis c’est complètement con, il n’a pas fait si chaud que ça, en plus il n’y a même pas de vent… »
Bref, plus j’avançais, plus j’étais persuadé que la bêtise serait là bas aussi au rendez vous, et qu’elle prendrait la forme du petit panneau, le même que celui du parking au plateau...

Sur le petit chemin de terre qui parvenait à L’Arc, de bien loin j’avais déjà aperçut le panneau annonciateur de la catastrophe annoncée… je n’avais pas besoin de m’approcher pour voir ce qu’il y avait écrit…

Je garais la voiture, je suis sorti en prenant bien garde de laisser Gaspard à l’intérieur.
J’ai baissé mon pantalon juste en dessous du panonceau.

Et je suis reparti.

Après avoir garé la voiture sur le parking du lotissement, j’ai sorti Gaspard, je l’ai pris dans mes bras, je l’ai serré fort contre moi, on a monté les escaliers, j’ai ouvert la porte de l’appartement.

Puis j’ai pleuré.

bonjour
c'est tellement vrai.
l'accès en colline était autorisé a partir de l'ouverture de la chasse, c'était tellement logique que depuis quelques années la préfecture la repousse au 30 septembre.
mais maintenant avec ce fameux réchauffement climatique ça ne m’étonnerai pas qu'il y ai deux abrutis en préfecture qui vont demander de repousser ce délais fin octobre
bienvenue en Absurdie.

Bah, ce n'est pas non plus une terrible catastrophe ! Il y a bien pire comme malheur pour en pleurer, croyez moi (vu ce qui m'est arrivé le mois passé avec mon épouse   ).

Dites vous bien que ce n'est que partie remise et que l'ouverture n'en sera encore que plus belle et savoureuse .

Pour info : chez nous c'est le 15 aout (canard), 1er septembre (les inexistants perdreaux gris-chasse 2022-2023 d'ailleurs suspendue à juste titre pour une grande majorité des chasseurs car dorénavant absentes d'une grande partie de la wallonie) et le 1er octobre (ouverture générale).