RIP de chiens

RIP de Chiens : -* tiré de mon carnet de notes de mes nuits d’insomnie.

Moi qui pensais que, l’âge avançant, j’avais vu, entendu et vécu pas mal de choses, mais là c’est un vrai coup sur la tête vous en jugerez par vous-même.

Hier soir, comme d’habitude je sors mes chiens, mes deux springers mon mâle de 6 ans et ma petite femelle de presque 3 ans, bref, la routine. On fait le tour du terrain, tranquilles, on respire l’air iodé de cette soirée, on remonte le chemin qui part du fond comme d’habitude pour longer le pré voisin mais je sens que mes loulous ne sont pas comme d’accoutumée, moins joyeux, moins présents. « On rentre ! » ce sont les mots de chaque soir, mais décidément, l’enthousiasme n’y est pas ! Je les caresse, je leur parle comme souvent mais la petite lueur au fond des yeux n’y est pas ; il y a quelque chose qui ne va pas.

Dans la soirée , je vais jeter un coup d’œil pour faire l’état des lieux et me rassurer face à cette situation quelque peu inhabituelle (vous qui aimez et comprenez vos chiens vous le savez, le ressenti est là… ou pas !?) au lieu de trouver mes fidèles compagnons lovés dans leurs paniers ; ils sont là, assis côte à côte face à la porte comme s’ils attendaient ma visite. Un peu interloqué face à cette situation nouvelle pour moi, je me fais la réflexion à voix haute «  il y a un problème les deux ??? ».

A ma grande stupeur… à me pincer pour savoir si je rêve, ma petite Narik, dominante du couple malgré son jeune âge me répond…   … elle me parle …   … elle s’adresse à moi qui reste planté là dans l’embrasure de la porte :

« Oui, y a un problème et pas qu’un peu » !  J’émets un « Mais … ! » étranglé ! La bougresse ne me laisse pas en placer une, elle enchaîne, avec un regard complice vers Jango que je prenais jusqu’à l’instant pour le sage, le chef de famille, le responsable, presque le chef de meute.

Je n’ai pas le choix, je comprends ; oui le RIP, bien sûr , ce prétexte initié par un journaliste qui s’est assuré le soutien  de quelques grands patrons ; on en parle sur PLC ; les naturalistes, les écologistes en parlent, les animalistes commentent et poussent tous dans le même sens et certains  députés ont déjà apporté leur soutien au projet. Les réseaux sociaux se font le support rêvé pour relayer les informations. Bien sûr je suis au courant  car l’heure est bien grave.

L’effrontée en rajoute une tirade pêle-mêle : « Désormais, les lois vont changer, les choses vont changer, si on ne se plaint pas du gîte et du couvert pour l’instant (!), par contre, nos conditions de travail vont devoir évoluer dès la prochaine ouverture…   … Par exemple, plus question de nous balader au marais les matins d’hiver alors qu’il gèle pour rapporter une sarcelle désailée qui se serait réfugiée loin dans la roselière ; pas question d’aller à la ronce comme des forcenés pour forcer dame bécasse à décoller et, d’autre part, obligation de nous laisser de temps à autre la possibilité de courir derrière un chevreuil sans se faire engueuler, tu peux pas comprendre combien cette odeur particulière nous plaît et nous excite… ! »… Mais …. !

Et mon mâle, le « sage » celui qui chasse pour moi en me faisant comprendre souvent d’un regard complice « Attention, prépare toi vite ça va voler », lui se croit obligé de rajouter. «  Tu peux comprendre quand même ?! »

Comprendre l’incompréhensible, l’inimaginable, l’essence même de vos demandes ?  Je suis abasourdi, je reste là comme un con, je n’y comprends plus rien, c’est quoi ce bordel… c’est qui le responsable ? On s’est fait avoir sur toute la ligne ; il est trop tard ! Les pensées se bousculent ; le marais, les conditions météo, les ronces, les terrains sales, les passées, la recherche devant nous « à la billebaude ??? », les professionnels qui dépendent de près ou de loin de la nature, de la chasse, mes copains les agriculteurs, les forestiers, les marins pêcheurs, j’en oublie, la liste est longue et toute cette économie  qui tourne autour depuis des décennies. Tout est remis à plat ! ? C’est certain, le jour d’après ne sera plus comme avant.

Je hasarde une ultime question, cette fois ci en regardant mon Jango dans les yeux : « Et toi, tu en penses quoi, en fait,  tu as un avis sur la suite au moins » ? Mais, je le sens, ma question n’a aucun poids et, désormais je m’attends au pire (aurais-je déjà abdiqué ?

J’attends une réponse qui vient aussitôt (les bougres, ils sont réellement sous influence !).

Je m’enfonce, c’est pas possible ; à ce point  je suis interloqué, décontenancé, déconcerté…. Putain !!!, mais c’est quoi vot’ truc ?  Un cri d’effroi s’échappe de ma gorge … !  Je vais ruer dans les brancards, ça va partir en vrille, la colère monte ! Je me sens comme dans une énorme machine à laver qui me brasse dans tous le sens, j’ai la tête à l’envers,  je suis brassé, secoué, je crie encore, on me presse, on me secoue, j’entends des voix …. une voix qui tente de me sortir de là, de me ramener à la raison … quelle raison ? , Il n’y a rien de raisonnable dans cette histoire.

« Chéri réveille toi, réveille toi, tu es tout agité ! Tu n’es pas malade au moins ? Tu as  fait un mauvais rêve, tu m’inquiètes !?  »   J’émerge, je suis en nage, je reviens à la réalité, LA réalité…. Les cons, les cons, les beaux enfoirés ; j’ai rêvé, j’ai cauchemardé grave !

Pour me rassurer totalement, en traînant un peu les pieds, déstabilisé encore un peu, je vais ouvrir la porte de la buanderie où se trouvent mes chiens.  Je l’avoue, j’entrouvre la porte avec précautions traumatisé que je suis encore. Mes deux lascars sont là dans leurs paniers ; à peine ouvrent ils un œil car il est tôt, le jour filtre à peine à travers les volets…. Je leur parle, attendant presque une réponse !

J’aurai du mal à retrouver un peu de sommeil, je l’avoue, ça tourne dans ma tête, les questions restent bien présentes. Et si l’affaire était grave ? Et si le RIP sur le bien être animal devait aboutir ? et si … et si….

·    NN.B : les faits mentionnés ici sont le fruit de l’imagination de l’auteur, les noms sont des noms de substitution…