Merci Papy, merci Saint-Hubert
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gxa68
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titou 66
Hunter Forever
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- Hunter ForeverBécasse
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Merci Papy, merci Saint-Hubert
Dim 16 Fév 2020 - 23:25
C’est aujourd’hui le bon, le jour où mon premier chevreuil sera fait. Il est 16h30, mon ami Léo vient de me rejoindre. Léo, Léopold de son vrai prénom, c’est l’ami de toujours. Bon vivant et vrai, je l’ai initié à la chasse il y a de ça maintenant 2 ans, et le voilà à présent chasseur, pour de vrai. C’est avec lui que j’ai vécu mes premières émotions de chasse : premiers canards, premier faisan, première perdrix, première bécassine... autant de premiers gibiers qui nous laissent en tête des souvenirs merveilleux.
Alors voilà, ce 3 février 2020 est le grand jour. Nous partons donc tous les deux sur le territoire que je connais sur le bout des doigts, à la recherche des chevreuils, la carabine à l’épaule. Terres familiales depuis plusieurs décennies, mon arrière-grand-père et mon grand-père y ont chassé avant moi, et exercé le métier d’agriculteur. Cette terre n’est pas la meilleure, mais elle m’est pourtant si chère.
Je m’échappe une nouvelle fois, alors revenons en au sujet.
Le temps est clair, un léger vent de sud se fait sentir. Premier coup de jumelles, rien. Mon enthousiasme ne descend pas, je ne peux l’expliquer mais je sens que c’est le bon, que c’est LE grand jour. Alors mes jumelles remontent à mes yeux, et je cherche. Soudain, je m’arrête. Ils sont là, le groupe de 6, couchés au pied du roncier du milieu du marais.
Après réflexion, la décision est prise de les attaquer en faisant une grande boucle par les prés bocagers, l’open-fiel du marais nous y obligeant. Nous marchons, et au fur et à mesure que nous approchons du but, toujours sans les voir, la tension monte.
Le terrain change, et je peux à présent de nouveau donner un coup de jumelles. Ils sont encore loin, au moins 350m. Le vent est bon, ils ne risquent pas de nous sentir, ni même de nous entendre. Je porte mes jumelles une dernière fois à mes yeux avant de nous lancer dans la dernière ligne droite. Surprise ! Un autre groupe de 3 est couché à 160-180m en face...
l’imprévu de la chasse est enfin là, et me rappelle à quel point on ne maîtrise rien.
J’explique la situation à Léo, son analyse me conforte dans mon choix. On change de cible. Nous allons nous focaliser sur les chevreuils les plus proches. Une seule haie nous sépare d’eux, et une fois celle-ci franchie nous serons à leur vue. Je tirerai donc de la haie, une fois cette dernière atteinte.
Arrivé devant, il me faut encore ramper pour être sur le haut du talus, le tir sera fichant et je pourrais mieux les appréhender.
Léo me rejoint, on y est.
Les minutes sont longues, le temps semble s’être arrêté. Le jeune brocard tout à droite, repéré quelques minutes plus tôt, se lève le premier. Il est paisible et broute, il faut dire que l’herbe normande est bonne.
J’épaule, et comme dans tout bon récit de chasse, le point central de la lunette devrait se placer sur le cœur de l’animal.
Il n’en est rien, c’est impossible. Je tremble trop, mon souffle n’est pas bloqué, je baisse la carabine. Léo me regarde, comprend qu’il faut que je me calme et me fait un clin d’œil.
1 minute, puis 2, puis 3, et je me sens calme. Carabine épaulée, je fais un signe du pouce à mon ami. Cette fois, la croix est dedans.
Il est 17h52, je viens de briser la tranquillité de la nature.
L’animal ne réagit pas, je recharge et le reprend dans la lunette, hésitant à tirer de nouveau. A l’approche, recharger c’est tricher. Mais nous sommes début février et les occasions à venir seront peut-être peu nombreuses. Alors que faire ?
Rien.
Les deux autres brocards d’à côté se sont levés, et voilà que l’un des deux s’écroule.
Tout s’explique enfin : je viens d’éviter une erreur. Après avoir rechargé, l’émotion m’a fait me concentrer sur le mauvais chevreuil, et oublier les deux autres. Mais il est là, couché sur le flanc, et pour copier Rimbaud je pourrais ajouter : « il a un trou rouge au côté droit ».
La balle est plein cœur.
Léopold me félicite, les larmes me viennent. Nous rendons les honneurs à ce jeune brocard avec une brisée de chênes et immortalisons ce moment fort.
L’animal est ramené à la maison, il est à présent temps de préparer la viande tout en expliquant la manière de s’y prendre à mon frère de cœur. Une chose est sûre, nous nous en souviendrons toute notre vie, et il me tarde d’être l’année prochaine pour que nous inversions les rôles.
Je terminerai juste en ajoutant que quelques minutes plus tôt, quand mes yeux étaient humides, Je pensais à toi papy. A toi qui m’offre la possibilité de chasser sur ces terres splendides, à toi qui m’as transmis cette passion par tes récits.
Et promis papy, demain dimanche, je viendrai te voir à l’hôpital te raconter le mien.
Alors voilà, ce 3 février 2020 est le grand jour. Nous partons donc tous les deux sur le territoire que je connais sur le bout des doigts, à la recherche des chevreuils, la carabine à l’épaule. Terres familiales depuis plusieurs décennies, mon arrière-grand-père et mon grand-père y ont chassé avant moi, et exercé le métier d’agriculteur. Cette terre n’est pas la meilleure, mais elle m’est pourtant si chère.
Je m’échappe une nouvelle fois, alors revenons en au sujet.
Le temps est clair, un léger vent de sud se fait sentir. Premier coup de jumelles, rien. Mon enthousiasme ne descend pas, je ne peux l’expliquer mais je sens que c’est le bon, que c’est LE grand jour. Alors mes jumelles remontent à mes yeux, et je cherche. Soudain, je m’arrête. Ils sont là, le groupe de 6, couchés au pied du roncier du milieu du marais.
Après réflexion, la décision est prise de les attaquer en faisant une grande boucle par les prés bocagers, l’open-fiel du marais nous y obligeant. Nous marchons, et au fur et à mesure que nous approchons du but, toujours sans les voir, la tension monte.
Le terrain change, et je peux à présent de nouveau donner un coup de jumelles. Ils sont encore loin, au moins 350m. Le vent est bon, ils ne risquent pas de nous sentir, ni même de nous entendre. Je porte mes jumelles une dernière fois à mes yeux avant de nous lancer dans la dernière ligne droite. Surprise ! Un autre groupe de 3 est couché à 160-180m en face...
l’imprévu de la chasse est enfin là, et me rappelle à quel point on ne maîtrise rien.
J’explique la situation à Léo, son analyse me conforte dans mon choix. On change de cible. Nous allons nous focaliser sur les chevreuils les plus proches. Une seule haie nous sépare d’eux, et une fois celle-ci franchie nous serons à leur vue. Je tirerai donc de la haie, une fois cette dernière atteinte.
Arrivé devant, il me faut encore ramper pour être sur le haut du talus, le tir sera fichant et je pourrais mieux les appréhender.
Léo me rejoint, on y est.
Les minutes sont longues, le temps semble s’être arrêté. Le jeune brocard tout à droite, repéré quelques minutes plus tôt, se lève le premier. Il est paisible et broute, il faut dire que l’herbe normande est bonne.
J’épaule, et comme dans tout bon récit de chasse, le point central de la lunette devrait se placer sur le cœur de l’animal.
Il n’en est rien, c’est impossible. Je tremble trop, mon souffle n’est pas bloqué, je baisse la carabine. Léo me regarde, comprend qu’il faut que je me calme et me fait un clin d’œil.
1 minute, puis 2, puis 3, et je me sens calme. Carabine épaulée, je fais un signe du pouce à mon ami. Cette fois, la croix est dedans.
Il est 17h52, je viens de briser la tranquillité de la nature.
L’animal ne réagit pas, je recharge et le reprend dans la lunette, hésitant à tirer de nouveau. A l’approche, recharger c’est tricher. Mais nous sommes début février et les occasions à venir seront peut-être peu nombreuses. Alors que faire ?
Rien.
Les deux autres brocards d’à côté se sont levés, et voilà que l’un des deux s’écroule.
Tout s’explique enfin : je viens d’éviter une erreur. Après avoir rechargé, l’émotion m’a fait me concentrer sur le mauvais chevreuil, et oublier les deux autres. Mais il est là, couché sur le flanc, et pour copier Rimbaud je pourrais ajouter : « il a un trou rouge au côté droit ».
La balle est plein cœur.
Léopold me félicite, les larmes me viennent. Nous rendons les honneurs à ce jeune brocard avec une brisée de chênes et immortalisons ce moment fort.
L’animal est ramené à la maison, il est à présent temps de préparer la viande tout en expliquant la manière de s’y prendre à mon frère de cœur. Une chose est sûre, nous nous en souviendrons toute notre vie, et il me tarde d’être l’année prochaine pour que nous inversions les rôles.
Je terminerai juste en ajoutant que quelques minutes plus tôt, quand mes yeux étaient humides, Je pensais à toi papy. A toi qui m’offre la possibilité de chasser sur ces terres splendides, à toi qui m’as transmis cette passion par tes récits.
Et promis papy, demain dimanche, je viendrai te voir à l’hôpital te raconter le mien.
- titou 66Cerf3000 Messages
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Date d'inscription : 10/05/2010
Re: Merci Papy, merci Saint-Hubert
Dim 16 Fév 2020 - 23:43
Beau récit , merci
_________________
La mère :"Tu nous feras mourir de chagrin "
Le fil :"Tant mieux comme ça on ne retrouvera pas l'arme du crime !
Re: Merci Papy, merci Saint-Hubert
Dim 16 Fév 2020 - 23:54
Magnifique récit, plein de gratitude envers tes aïeux et ta terre et de complicité avec Léo!
Merci d'avoir partagé tes émotions avec nous et félicitations aussi ton orthographe impeccable!
Merci d'avoir partagé tes émotions avec nous et félicitations aussi ton orthographe impeccable!
_________________
Amicalement,
- Hunter ForeverBécasse
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Localisation : Manche
Date d'inscription : 16/05/2017
Re: Merci Papy, merci Saint-Hubert
Dim 16 Fév 2020 - 23:59
Merci à vous deux !
Se relire quelques minutes ne coute rien, et les fautes sont devenues monnaie courante malheureusement... Alors j'essaie de ne pas en laisser derrière moi !Insulaire a écrit:félicitations aussi ton orthographe impeccable!
- InvitéInvité
Re: Merci Papy, merci Saint-Hubert
Lun 17 Fév 2020 - 7:17
Récit agréable et joliment écrit, hommage à tes aïeux, solide amitié et complicité, révérence à la terre que tu chéris. Tu transpires la belle paysannerie que je vénère, merci.
- RéréModérateur3000 Messages
- Nombre de messages : 8195
Age : 57
Localisation : Ain 01 Bugey,Dombes,côtière
Date d'inscription : 13/12/2007
Re: Merci Papy, merci Saint-Hubert
Lun 17 Fév 2020 - 9:59
J'adore ton récit !
Merci.
Merci.
_________________
"Je vais t'apprendre à chasser... Nous commencerons par les Marcassins, et puis ensuite, nous passerons aux patrouilles romaines, et enfin aux Sangliers !"
(Obelix à Idefix)
- gxa68Cerf10 000 Messages
- Nombre de messages : 18934
Age : 91
Localisation : GIRONDE (33)
Date d'inscription : 28/02/2006
Re: Merci Papy, merci Saint-Hubert
Lun 17 Fév 2020 - 10:22
Tu ne peux pas savoir pour un vieux passionné comme moi,je ne dirai même pas le plaisir mais plutôt le bonheur que m'apporte,ton récit,ta passion,ton éthique…
Et j'aurais aussi été fier d'être ton Papy..
Tu démarres ta vie,reste comme ça,fidèle à toi-même.
Félicitations…….
Et j'aurais aussi été fier d'être ton Papy..
Tu démarres ta vie,reste comme ça,fidèle à toi-même.
Félicitations…….
- DragoonCerf1000 Messages
- Nombre de messages : 2407
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Localisation : Rhone/Ardeche
Date d'inscription : 15/03/2019
Re: Merci Papy, merci Saint-Hubert
Lun 17 Fév 2020 - 11:19
Je ne suis pas aussi âgé que @gxa68 mais je le vie de l'autre coté car ton récit m'a fait penser à mon grand père avec qui j'ai vécu tout ce que tu vies actuellement.
Moi aussi j'allais lui raconter mes histoires à l'hopital après la chasse.
C'est un très beau récit et comme le dit à juste titre notre ancien, c'est plus qu'un plaisir de le lire, j'en ai les larmes au yeux.
Moi aussi j'allais lui raconter mes histoires à l'hopital après la chasse.
C'est un très beau récit et comme le dit à juste titre notre ancien, c'est plus qu'un plaisir de le lire, j'en ai les larmes au yeux.
- jeanluc36Cerf1000 Messages
- Nombre de messages : 2202
Age : 67
Localisation : Velles (36) ou Cunlhat (63)
Date d'inscription : 21/12/2018
Re: Merci Papy, merci Saint-Hubert
Lun 17 Fév 2020 - 11:54
Très joli récit Hunter Forever et bravo pour ce premier brocard
_________________
La chasse , c' est comme la guerre ... La seule différence , c' est qu' à la chasse il n' y a pas de prisonniers !
- Hunter ForeverBécasse
- Nombre de messages : 174
Age : 24
Localisation : Manche
Date d'inscription : 16/05/2017
Re: Merci Papy, merci Saint-Hubert
Lun 17 Fév 2020 - 14:52
Merci à tous pour vos retours !
J'ai écrit ce texte avec mes doigts certes, mais c'est mon coeur de campagnard qui parle... Je n'ai jamais chassé avec mon grand-père, il a raccroché il y a maintenant plus de 30 ans. Mais je lui dois beaucoup, et surtout cet amour pour la vraie ruralité.
Je crois depuis quelques temps que c'est ce que j'aime le plus dans la vie, alors je vais m'y accrocher comme vous me le dites si bien !
Hunter
J'ai écrit ce texte avec mes doigts certes, mais c'est mon coeur de campagnard qui parle... Je n'ai jamais chassé avec mon grand-père, il a raccroché il y a maintenant plus de 30 ans. Mais je lui dois beaucoup, et surtout cet amour pour la vraie ruralité.
Je crois depuis quelques temps que c'est ce que j'aime le plus dans la vie, alors je vais m'y accrocher comme vous me le dites si bien !
Hunter
- InvitéInvité
Re: Merci Papy, merci Saint-Hubert
Lun 17 Fév 2020 - 17:00
Hunter Forever a écrit:Merci à tous pour vos retours !
J'ai écrit ce texte avec mes doigts certes, mais c'est mon coeur de campagnard qui parle... Je n'ai jamais chassé avec mon grand-père, il a raccroché il y a maintenant plus de 30 ans. Mais je lui dois beaucoup, et surtout cet amour pour la vraie ruralité.
Je crois depuis quelques temps que c'est ce que j'aime le plus dans la vie, alors je vais m'y accrocher comme vous me le dites si bien !
Hunter
Tu n'auras pas à le faire! A te lire, c'est la terre qui s'accrochera à toi, elle sait rendre au centuple à celui qui la choie.
Sempre è sempre paisanu, amicu
Re: Merci Papy, merci Saint-Hubert
Lun 17 Fév 2020 - 20:07
Magnifique ! Merci !
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L'important ce n'est pas le tableau, c'est la façon de le peindre
- RondeauSanglier
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Localisation : Saint Nazaire
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Re: Merci Papy, merci Saint-Hubert
Lun 17 Fév 2020 - 23:05
Bravo pour la qualité du récit et félicitations à vous
_________________
Cordialement
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