rêveur et ferme

Le 11/12/2016
 Pas terrible le temps, aujourd’hui ! Après une semaine de ciel bleu et de petit froid sec, c’est précisément, le jour de la battue qu’on se retrouve avec le ciel à la hauteur des arbres, dans une atmosphère mi pluie, mi brume. Ce qu’en Berry nous appelons « la brouillasse ». Le genre de temps qui vous donne l’impression qu’il ne pleut pas vraiment  et avec lequel vous vous retrouvez quand même très rapidement trempé comme une soupe. Qu’à cela ne tienne, j’ai dans mon sac, de quoi affronter les intempéries de toutes natures
Ce matin j’ai tiré le numéro 18. Un bon poste par vent du nord mais aujourd’hui avec ce petit souffle d’ouest, je serais surpris d’y réaliser des exploits. Enfin, l’important c’est de conserver l’espoir.
J’ai moi-même participé à faire le pied ce matin, et j’avais un gros rentrant à l’autre extrémité de la traque et une bande de plus petits indénombrables, je dirais une dizaine environs qui se baladent de part et d’autre de la ligne de placement. Le copain qui s’est chargé d’inspecter le côté ou je suis placé n’a rien vu de sortant. Je peux d’ailleurs le confirmer moi-même en regagnant mon poste. Il doit donc y avoir du monde sur cette parcelle, j’en suis convaincu.
Pour les chevreuils, on peut tirer brocards et jeunes, mais notre président nous a clairement annoncé, vu le nombre de chevrettes déjà prélevées sur cette parcelle, qu’il serait vraiment déçu d’en voir une de plus au tableau ce soir… Ce qui, exprimé dans le langage de « Président Robert » et traduit en français courant, signifie :
- Si quelqu’un  me tue une chèvre aujourd’hui, il va se prendre une engueulade mémorable.
Vu que les brocards ne sont pas encore bien recoiffés et que j’ai une confiance de plus en plus limitée en ma vision de loin, pour éviter les embrouilles, j’ai donc décidé, aujourd’hui, de m’interdire le tir de ce gibier.
J’installe mon siège de battue  au bord de l’allée. Une belle allée large d’une quinzaine de mètres,  avec une bonne visibilité de chaque côté. Mes voisins sont environ à soixante mètre de part et d’autre. Si ça traverse ici, ça va être un billard……Je m’assoie donc et l’attente commence.
Après quelques minutes, je distingue, très loin, à l’autre bout de la traque ce que je crois être une menée, mais presque inaudible….En effet plusieurs coup feux suivront sans qu’il me soit possible de distinguer les annonces.
-Je m’en doutais ! Vu le sens du vent, les veinards sont de l’autre côté aujourd’hui……
Puis c’est le calme plat juste troublé parfois par le vol sifflotant d’un ramier dérangé par les chiens ou les traqueurs et qui passe au-dessus de moi, sans que je ne puisse le voir, tant le ciel est bouché.  Une bande de colverts passe aussi, en rasant, les arbres. La Loire n’est pas loin. Ils venaient pour s’y poser mais quand ils découvrent toutes ces silhouettes orange fluo à proximité de leur piste d’atterrissage, ils reprennent de la hauteur et disparaissent à nouveau dans le coton.
Je reste songeur, c’est comme ça en battue, quand rien ne se passe mon esprit s’évade, je suis un rêveur ! C’est ensuite le chant d’un coq faisan dans le couvert, derrière moi qui attire mon attention.
Ah !...Mon voisin de gauche a sans doute vu quelque chose, je le vois épauler. C’est un jeune permis, ce sont ses premières battues et là je comprends qu’il vient de commettre une bourde monumentale en bougeant trop tôt. Le brocard qui s’apprêtait à passer à lui, intrigué par ce mouvement, stoppe net, refuse la ligne et après un volteface repart  gentiment sur ses pas. Le jeune abaisse son arme et me fait un signe de dépit. On ne lui a pas appris ça aux formations, que pour un chevreuil, il ne faut pas bouger d’un poil avant qu’il n’ait passé la ligne. Sinon, c’est bien connu, il vous montre son cul…..Moi aussi il y a bien longtemps je me suis fait avoir de la même manière……Mes premiers chevreuils, ça remonte à pfffffffffffff…………J’étais jeune……
D’un seul coup
- Vain dieu ! Ce gros truc noir qui vient de déboucher sur l’allée ! J’attrape la carabine que j’avais callée entre mes genoux, en me levant d’un bond, je renverse mon siège de battue, j’épaule dans l’urgence mais déjà l’animal a rembuché dans le couvert. Je le devine plus que je ne le vois. A travers  les ronces, j’envoie deux balles, mais sans aucun effet. J’aperçois une fraction de seconde le fugitif dans une éclaircie, un beau goret et j’ai même l’impression que mes coups de feu lui ont fait prendre de la vitesse.
- Quel c.. ! Si t’es pas capable de rester concentré sur la battue, reste au lit ! Nom D. D... !, Viens z’y pu à la chasse. Paceque là, tu sers vraiment à rien. Si t’arrives pas à tirer à temps dans un chemin comme ça, reste chez toi ! Nom D. D… !
Quelques minutes plus tard, les fox arrivent en braillant. Ils ont un sacré retard.
Je vais essayer de les couper, qu’ils n’aillent pas foutre le bordel dans la parcelle voisine.
Même ça, ce n’est pas facile non plus. J’ai beau m’agiter comme un beau diable pour leur barrer la route, un à droite, deux à gauche, un autre que j’essaie de bloquer, qui me passe entre les jambes et finalement toute la fanfare qui continue sur la voie du goret. J’entends la musique s’éloigner, s’éloigner, puis…..Mais non ! En fait, ça ne s’éloigne plus ! Serait-ce…… ? Mais oui c’est ça, ils sont au ferme. Ils ont même l’air bien callés à cent mètres de moi environ.
Et je ne peux même pas y aller voir car ça aussi, c’est une consigne d’interdiction formelle, de se déplacer pendant la battue. Alors je sors mon téléphone et j’appelle les traqueurs pour leur expliquer la situation.
- V’nez vite le gars ! Ya les fox qui sont au ferme derrière moi.
Daniel est inquiet pour ses chiens.
- Tu parles ! On est vachement loin et empêtrés dans les épines noires….On va en mettre, du temps pour y aller. Vain dieu ! Attends nous pas Nanar! Vas-y avant qu’il ait défoncé les chiens….
- OK ! Je raccroche. Il y a déjà quelques années que je ne me livre plus à ce genre d’exercice. Mais là, situation oblige ! On va voir si je n’ai pas perdu la main
La dessus, je sonne un taïaut simple. C’est le signal pour l’arrêt du tir sur toute la ligne. Ben oui ! Si je vais sur le ferme j’aimerais mieux que les copains s’abstiennent de tirer si par hasard un autre gibier venait à traverser la ligne.
Je constate aussi à cette occasion que personne ne propose de m’accompagner. Tous les beaux parleurs qui vous étalent leur théorie sur le ferme à l’apéro. Eh bien là, les volontaires ne sont pas légion….. M’en fout, j’ai besoin de personne !
Je désarme ma carabine et j’ouvre le magasin en laissant les deux balles dedans puis, mon arme à l’épaule, ma dague à la main, en me guidant grâce à la voix des chiens, je progresse dans le couvert.
Contrairement à toute attente, le ferme n’est pas bloqué dans l’épais, mais au milieu d’une petite clairière. Les fox ont encerclé le sanglier et s’égosillent autour de lui tout en restant prudemment à une distance raisonnable. Le problème c’est qu’il est toujours sur ses pattes, apparemment encore très mobile et surtout beaucoup plus gros qu’il ne m’avait paru au passage de la ligne. Il semble avoir du mal à bouger l’arrière train et c’est probablement ce qui l’a obligé à s’arrêter. A la vue vu de la tache rouge sur son flanc, je comprends que ma balle très mal placée, est passée au niveau des reins. Mais vu que moi, je n’ai pas non  plus, ma mobilité d’antan, je me dis du coup que ce n’est peut-être pas vraiment une bonne idée de vouloir le servir à la dague.
- Bon !...........Tout compte fait, je vais quand même rechambrer une balle !
Bien  m’en prend ! Agacé par les fox insaisissables, alors qu’il tient absolument à en découdre avec quelqu’un il se dit que ce truc orange qui se présente maintenant devant lui fera bien l’affaire. Quand je le vois se diriger vers moi, je prends une belle monté d’adrénaline.
Là, bizarrement, comme s’ils avaient pressenti ce qui se tramait, les chiens se sont écartés et alors que je craignais d’être gêné pour tirer, nous nous  retrouvons face à face. Lui avançant vers moi la gueule grande ouverte, moi attendant de pied ferme avec la carabine à l’épaule…..Enfin quand je dis de pied ferme. Avec quand même un peu le trac et cette petite voix qui chuchote dans ma tête
-Nanar…Prend ton temps… t’affole pas ….T’auras droit qu’à un essai et si tu veux pas te faire bouffer les c…….s , mieux vaut qu’il soit concluant.
A un mètre cinquante, je lui fais exploser la tête ! Il s’effondre le groin devant le bout de mes bottes.
Pffffffffffffff …………..! D’un seul coup, je me sens beaucoup plus serein.
Je sors ma trompe et j’annonce la mort. Puis, je regagne mon poste l’air désabusé.
Aux questions qu’on me posera au passage, je répondrai l’air détaché :
- Oui ! Oui ! Un beau cochon ma foi.
En fait il me semblait beaucoup plus gros qu’il ne l’est en réalité……..96kg au peson, mais déjà ça a de quoi impressionner. En plus, l’honneur est sauf.
Et puis, rêver au poste ? moi ? Non ! Pensez donc ! Comme si on pouvait se permettre penser à autre chose quand on est en battue……
Photo prise sur le terrain avec mon tel. Veuillez excuser la qualité

Très belle histoire, comme d’habitude, Bluy45! On s’y croirait!

En lisant le titre, je me suis dit que ça sentait l'histoire berrichonne sortie de ta fine plume @bluy45 . En ouvrant : Bingo ! J'étais bien content que ce soit le cas, je me suis empressé de la dévorer, comme d'habitude, excellente ! Vivement la prochaine !
Beau cochon sanglier au passage

Chez le boucher, je demande du porc   , mais c'est rare, ce que je lui demande le plus souvent, c'est une côte de boeuf  

Belle histoire comme d'habitude

Belle histoire et surtout très bien narrée.
je chasse le "goret" seulement depuis la saison dernière et je n'ai pu en prélever qu'un il y a quelques jours, le premier qui me soit passé à portée mais, je me suis souvent demandé ce que je ferai si je devais assister à un ferme pour prendre la bonne décision
Merci pour ton histoire , écris nous en encore d'autres

En effet belle histoire,

Belle histoire comme dab !
merci

Sympa l'histoire merci pour le partage

Eutrope a écrit:Belle histoire et surtout très bien narrée.
je chasse le "goret" seulement depuis la saison dernière et je n'ai pu en prélever qu'un il y a quelques jours, le premier qui me soit passé à portée mais, je me suis souvent demandé ce que je ferai si je devais assister à un ferme pour prendre la bonne décision
Merci pour ton histoire , écris nous en encore d'autres

Ce n'est pas plutôt le sanglier !?

Keiler a écrit:

Eutrope a écrit:Belle histoire et surtout très bien narrée.
je chasse le "goret" seulement depuis la saison dernière et je n'ai pu en prélever qu'un il y a quelques jours, le premier qui me soit passé à portée mais, je me suis souvent demandé ce que je ferai si je devais assister à un ferme pour prendre la bonne décision
Merci pour ton histoire , écris nous en encore d'autres

Ce n'est pas plutôt le sanglier !?

Je sais que certains termes peuvent choquer les puristes. Chez nous on dit « cochons ou goret ». Ces mots ne sont pas employés péjorativement ils font juste parti du vocabulaire courant des chasseurs et ce serait plutôt le mot sanglier qui pourrait paraitre un peu "pompeux"

Je ne vois pas ce qu'il y a de pompeux d'appeler un chat un chat. De plus on a toujours eu cette position sur PLC, sans pour autant se prendre pour des puristes.
Quand c'est employé occasionnellement dans un récit on peut l'admettre. On ne l'admet pas en tant que vocabulaire courant.

Keiler a écrit:Je ne vois pas ce qu'il y a de pompeux d'appeler un chat un chat. De plus on a toujours eu cette position sur PLC, sans pour autant se prendre pour des puristes.
Quand c'est employé occasionnellement dans un récit on peut l'admettre. On ne l'admet pas en tant que vocabulaire courant.

Quand je dis "pompeux" je ne situe pas ce mot dans le cadre de PLC mais dans le cas d'une discussion avec mes amis. Et quand on retranscrit une histoire vécue il est difficile de prêter au gens des expressions qui ne sont pas les leurs.
Mais tu as raison le vrai mot c'est "sanglier"
Dans un autre registre il est très rare chez moi qu'on dise " brocard"ou "chevrette" on dit "Bouc" ou "chèvre"

par contre, ça peut être plus problématique si on confond langage familier et termes réels, comme l'a connu notre ami dans ce sujet :
https://www.passionlachasse.com/t29012-injustice

Keiler a écrit:Je ne vois pas ce qu'il y a de pompeux d'appeler un chat un chat. De plus on a toujours eu cette position sur PLC, sans pour autant se prendre pour des puristes.
Quand c'est employé occasionnellement dans un récit on peut l'admettre. On ne l'admet pas en tant que vocabulaire courant.

bluy45 a écrit:

Keiler a écrit:Je ne vois pas ce qu'il y a de pompeux d'appeler un chat un chat. De plus on a toujours eu cette position sur PLC, sans pour autant se prendre pour des puristes.
Quand c'est employé occasionnellement dans un récit on peut l'admettre. On ne l'admet pas en tant que vocabulaire courant.

Quand je dis "pompeux" je ne situe pas ce mot dans le cadre de PLC mais dans le cas d'une discussion avec mes amis. Et quand on retranscrit une histoire vécue il est difficile de prêter au gens des expressions qui ne sont pas les leurs.

On est bien d'accord, et je n'ai fait aucune objection à ton récit. Initialement  tu as repris mon message qui ne t'était pas destiné.

Vraiment sympa, merci !

Keiler a écrit:

Eutrope a écrit:Belle histoire et surtout très bien narrée.
je chasse le "goret" seulement depuis la saison dernière et je n'ai pu en prélever qu'un il y a quelques jours, le premier qui me soit passé à portée mais, je me suis souvent demandé ce que je ferai si je devais assister à un ferme pour prendre la bonne décision
Merci pour ton histoire , écris nous en encore d'autres

Ce n'est pas plutôt le sanglier !?

Il s'agissait bien d'un sanglier, autrement dit  d'un sus scrofa de la race des suidés bien connu dans nos régions et j'avais pris soin de le mettre "entre guillemets) et, je vois que cet animal fait toujours beaucoup parler et souvent pour ne rien dire
Merci à BUYL pour avoir pris ma défense ... de sanglier.

C'est ainsi sur le forum.