Non!.... Rien est passé

Saison 2014-2015


- M….e ! Trop tard ! Il est passé!    Je rabaisse la carabine.
Je vais me faire chambrer par les copains.   Il faut dire aussi que sans la  menée, avec en plus le vent rentrant, je ne l’avais pas entendu arriver celui-là. Deux heures à poireauter et il déboule comme ça sans prévenir. En plus, c’est un coup monté de la nature contre moi. Un lièvre est venu me distraire, Probablement envoyé en avant-garde par le gros solitaire. Et va y que je  trotte sur le chemin, et que je m’assoie en dressant les oreilles et que je me lève en équilibre sur mes pattes de derrière pour faire l’intéressant. Allez!...Il avait bien compris qu’il ne risquait rien celui-là. Et moi comme un imbécile, J’admire le spectacle ! Alors le gros pépère, il en a profité pour arriver en catimini et passer le chemin comme une balle dans mon dos. Tant pis ! C’est un malin celui-là ! Et moi je suis un vieux  c.. ! Me laisser charmer par  un capucin ! Tu parles d’une histoire…Mais celle-là je ne vais peut-être bien pas la raconter ou alors, il va falloir que je me trouve des circonstances atténuantes…
   Tiens, maintenant je l’entends la menée. Ils peuvent bien s’égosiller les griffons ! Là c’est sûr, ils ont au moins un kilomètre dans la vue, alors l’autre, s’il les entend il doit bien se marrer….En plus ils ne viennent même pas par-là, ils doivent être sur un autre animal.
    De toute façon je suis trop isolé, Ce matin, j’avais prévenu, il n’y a pas assez de postés pour fermer une grande traque comme celle-ci. Mais bon ! Ce que j’en dis….Chacun s’est posté au mieux, comme il le sentait. Mes voisins de poste sont à plus de 150m et on n’a même pas la visibilité partout. Alors ça aurait  aussi bien pu passer ailleurs, sans que personne n’en sache rien…. Oui ! Mais voilà ! C’est ici qu’il est passé ! Pure provocation ! Je le savais bien qu’elle était bonne cette coulée…. Enfin, tout ça c’est la faute au lièvre…..
     Maintenant c’est sûr je vais continuer à me  geler ici, sans rien voir de la matinée. Il fait vraiment frisquet ! J’ai beau remonter le col de mon paletot et dérouler ma cagoule, J’ai de plus en plus de mal à réchauffer. Ce courant d’air humide transperce mes vêtements et me fait grelotter. Je sors la thermos de ma musette ! Haaa ! Un bon café  tout fumant ! Rien de tel pour réchauffer un bonhomme!....  Oui, bon, j’avoue ! J’ai aussi ma petite fiole de quetsche. Mais ça normalement, c’est un secret. Faut bien assaisonner un peu le café. Déjà que je ne sucre pas….
Un quart d’heure s’écoule sans apporter de fait nouveau. Il fait toujours aussi froid….. En temps normal j’aurais admiré le spectacle : Avec la petite gelée blanche de la fin de nuit les gouttelettes sont resté figées sur les branches et la forêt ressemble à un décor de noël ! Mais là, après ce qui vient de se passer, Je m’interdis fermement de rêvasser. Un peu de sérieux voyons !....
  ….Tiens, au loin, je crois deviner une voie…. Il y a bien un chien, un seul, qui mène. Ça ne va pas vite, mais ça arrive sur moi. A sa gorge, je reconnais Arsène, le teckel de Dominique. Il reste toujours dans les jambes de son maître, celui-là. Il a les pattes trop courtes pour suivre le reste de la meute.  Mais quand il se décide à prendre le large tout seul, ça ne va pas vite mais en général c’est du sérieux. Je me lève de mon siège. Effectivement, après un court instant, un craquement, un bruit de galopade et une forme sombre glisse dans la coulée. J’épaule la carabine….Une grosse laie traverse le layon suivit d’une bande de jeune rouquins. J’hésite ! Ils ne sont quand même pas bien gros….Ba ! Aller ! J’en ai repéré un, qui est un peu plus gros que les autres. Je le caresse avec le point rouge mais avec mes hésitations ils ont déjà traversé et je tire bien après le rembuché, à travers les perches. Du coup je ne suis pas sûr du résultat. Si en plus J’ai raté celui-là ! Encore que ça ne soit pas une grosse perte. Il doit faire à peine 25kg….et encore si on oubli de lui vider les poches avant la pesée.
       Sur ce, la saucisse à pattes arrive, traverse le chemin et se cale à mordre quelque chose sous les épines noires. Là, Il n’y a plus de doute ! J’ai fait mouche. Je sors la trompe et j’annonce la mort. Puis je me glisse en rampant dans les fougères fanées, pour récupérer ma proie.  C’est sûr, il y en a qui doivent  croire que c’est le gros que j’ai tapé ! Pfft ! Je me marre !  Quand ils vont voir la bête…Et puis d’abord, le gros je ne l’ai même pas vu ! Enfin… Presque pas !
      Il y a un bon moment qu’Arsène  s’applique à se faire les dents sur la couenne du rouquin. Je l’observe en souriant. De toute façon, il refuse obstinément de lâcher prise. Un autre craquement attire mon attention à ma droite ; Je me tiens prêt. Mais là, une minute plus tard, c’est une voie humaine puis une veste orange qui émerge des ronciers.
- Alors, Nanar c’est toi qu’as tiré ?! Tu l’as eu ce gros cochon ?
- Sûr! L’gros d’une bande de margoulins !  Vise un peu le monstre
- Raaa ! Mais la première menée. Les griffons, quand y z ont poussé, c’était un gros qui venait à toi. Tu l’as pas vu ?
- Non j’l’ai pas vu. D’abord, la première menée a l’est même jamais venu par-là ! Juste un yeuve (Un lièvre) qu’a sorti su l’chemin. Et après la mère, avec sa suite que j’en ai gardé un. C’est tout !
         Aujourd’hui, Je n’ai pas envie de dire la vérité et d’écouter les railleries et quolibets traditionnels et navrants de quelques  irréprochables.  La menée n’est jamais venue vers moi. Et comme je suis convaincu que les chiens menaient un autre animal, ce sanglier que je n’ai pas vu, il n’existe même pas. Alors, à quoi bon en parler plus longtemps?
       Un léger doute, peut-être, il jette un coup d’œil dans la coulée et fait la grimace. C’est une vraie voie piétonne. La terre y est détrempée, avec des pieds frais, de toutes tailles et dans tous les sens. D’autant plus que c’est là que la laie est  passée avec sa suite.
       Je risque une explication
- Maintenant, tu sais Dominique ; Le  gros il a ben pu passer ailleurs,  sans que personne l’ai vu. Comme on est placé ce matin, c’est pas impossible.
- Il fait une  moue douteuse
      Là-dessus son téléphone portable l’interpelle. Il engage une âpre discussion avec ce monument de l’évolution technologique. C’est ainsi qu’il apprend qu’un  beau sanglier a été tué sur la menée des griffons, à un poste complètement opposé, à l’autre bout de la traque. Quatre-vingt kilos  environ….. Il est surpris Dominique. Il aurait juré qu’il était  beaucoup plus gros que ça et en plus persuadé qu’il filait tout droit par ici,  et que ses chiens eux avaient pris le pied d’un autre animal…. Il va quand même suivre le chemin pour s’assurer qu’il n’y a pas le pied sortant plus loin.   C’est qu’il aime comprendre Dominique !
         Voyez donc ! C’est incroyable comme on peut se tromper, parfois !
         Trois longs coups de cornes, c’est la fin de battue. Pas mécontent !  J’ai de plus en plus froid et de grosses gouttes d’eau glaciales et des grains de grésil commencent à crépiter…..Je décharge.
C’est comme ça ! Il m’arrive parfois d’être de très mauvaise foi.

Merci beaucoup Mr Nanar un plaisir de vous lire

ce n'est pas de la mauvaise fois
Juste une humeur du jour.
Merci pour l'histoire, il était beau ce sanglier

belle histoire
merci

Et oui, parfois, on a pas envie d'écouter les railleries et les commentaires, même dits à la rigolade, de certains, qui n'ont rien vu de l'action qui s'est déroulée mais qui auraient fait mieux, selon eux.... Merci pour ce beau récit

Et ben ouai, moi non plus je ne l'ai pas vu!!!!
Toujours aussi bien raconté, chapeau l'artiste...................

Merci pour cette belle histoire, qui me rappelle les circonstances de mon premier sanglier.

Très belle histoire comme d'hab

Jolie histoire