Les chasseurs soignent leur image

Pour la plupart des chasseurs de la région, le coup d'envoi c'est aujourd'hui. L'occasion pour eux de mettre en avant leur rôle de régulateurs de la faune sauvage et les nouvelles pratiques de leur sport.



Une pétarade dans le lointain vous a peut-être tiré du lit ce matin. C'est jour d'ouverture de la chasse et les amoureux des bêtes vont encore grincer des dents. La fédération du Pas-de-Calais a pourtant pris conscience qu'il était temps de redorer le blason des chasseurs. Et d'insister sur son rôle dans la régulation des écosystèmes... Safari au coeur du Boulonnais. Le 4X4 de la « fédé » de chasse du Pas-de-Calais tangue au milieu des champs dans le secteur de Marquise.
Antenne sur le toit, récepteur télémétrique en main, François Michel tend l'oreille. De la friture sur la ligne. Pas de bip. « On vient deux fois par semaine pour surveiller si tout se passe bien et pour les compter », explique le technicien cynégétique qui finit par sortir la grosse artillerie : une antenne râteau pour débusquer... la perdrix.
Soudain, c'est l'envol. Une vingtaine de « grises » fuient à l'approche du véhicule. « Ça n'a l'air de rien comme ça, mais c'est la preuve que le projet fonctionne », glisse Daniel Hien, le trésorier des chasseurs du 62. Le projet ? Ça n'est pas celui de poser des émetteurs sur des perdrix pour mieux les dégommer, mais celui de regonfler les effectifs de cette espèce qui se fait rare dans le Boulonnais.
« Chasse raisonnée »
Les chasseurs le concèdent : il n'y a pas que la prise de conscience environnementale à la base de leur action. « Il faut toujours garder à l'esprit que l'on gère un stock », admet Daniel Hien. Pas de gibier, rien à tirer. Le temps des tableaux de chasse gargantuesques est révolu. « La chasse n'a pas une bonne image, analyse Willy Schraen, le président de la fédération du Pas-de-Calais. Peut-être que nous aussi on aurait dû balayer devant notre porte. Avant, on ne parlait pas d'écologie, de biodiversité. Or, la chasse peut être une composante de cette biodiversité, une chasse raisonnée. » Et le président d'insister sur leur rôle de régulateur : « Si on ne tirait pas le renard, la fouine, les corbeaux... d'ici trois ans, il n'y aurait plus une perdrix, plus un lièvre. » Les temps ont changé. On ne parle plus de « tuer » un animal, mais de le « prélever ». Willy Schraen renchérit : « On part du principe que l'on n'a rien à cacher. On fait voir nos pratiques. » Nous voilà donc conviés à venir découvrir le conservatoire des souches naturelles, près de Licques dans l'arrière-pays boulonnais. Un investissement de 160 000 euros pour produire de la perdrix grise « de souche locale », insistent les chasseurs. Ici, pas question de faire de la poulette d'élevage à transformer en chair à canon le jour de l'ouverture. « On veut arrêter l'artificialisation de la chasse, avec les lâchers de cocottes abattues facilement », affirme Willy Schraen.
Ce sont donc des perdrix made in 62 que l'on retrouve dans les parquets de ponte du conservatoire. Des sortes de clapiers grillagés où les oiseaux sont installés par deux, un mâle, une femelle. Et le responsable du site de nous préciser : « L'accouplement commence normalement à la Saint-Valentin. » Ça ne s'invente pas.
Perdreaux de l'année
Ensuite, les oeufs pondus sont récupérés, couvés par des poules de basse-cour avant que les jeunes perdreaux ne soient relâchés dans la nature. Cette saison, environ 550 volatiles ont repeuplé les cantons de Marquise et Samer la fédération espérant réintroduire le double l'année prochaine. « Le conservatoire est un investissement de 180 000 euros, mais c'est un laboratoire d'études, une première en France », arguent les chasseurs.
Beaucoup d'argent dépensé pour des animaux finalement « prélevés » ? « Là où il y a eu des lâchers, le tir de perdrix est interdit pendant cinq ans », précise Daniel Hien. Le temps que les populations croissent. Et après ? Les chasseurs le promettent : il s'agira d'une « chasse sportive et éthique ». Et pas un canardage en règle. •